La Persona Carl Gustav Jung
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La Persona est un concept ancien, repris par Carl Gustav Jung pour désigner un paramètre de la psychologie humaine incontournable. Tout le monde a une Persona, sans exception, et à la fin de cet article, je vous proposerai un petit exercice pour découvrir la vôtre.
Qu’est-ce que la persona ?
Le concept de la Persona est l’un des plus simples à comprendre et il est très utile pour nous aider à faire la différence entre être et représenter. Entre notre nature profonde et le rôle que l’on joue en société. Ce qu’on donne à voir et puis ce qu’on sait être, et que l’on cache derrière ce que l’on montre. Entre ce qui nous rend unique, notre individualité, et ce qui nous ancre dans une société à une époque. La Persona désigne : notre masque social.
Comme tous les concepts de tous les courants de psychologie, l’idée n’est pas sortie du chapeau : elle existe depuis très longtemps. Jung l’a remis au goût du jour et dans le contexte du XXème siècle. Mais Jung n’a pas “inventé” la Persona.
D’ailleurs c’est important de toujours garder à l’esprit que Jung n’a pas « inventé » ses concepts. Il a rassemblé des concepts préexistants dans la philosophie, les religions, dans l’Histoire, parce qu’ils étaient à son sens parfaits pour représenter au mieux des paramètres de la psychologie humaine. Ils les a pressentis en lui, discernés également chez les autres, reconnus dans les sagesses anciennes, nommés voire renommés tout au long de sa vie de recherche.
Les concepts de la psychologie analytique telle qu’on la connaît aujourd’hui sont en fait apparus dans les écrits de Jung progressivement, tout au long de cinquante ans d’écriture.
Premières apparitions du terme Persona sous la plume de Carl Gustav Jung
Carl Gustav Jung a commencé à employer le terme de Persona dans les années 20 pour désigner le masque social que tout individu porte dès qu’il est en contact avec le monde extérieur. Nous allons faire un petit tour du côté de l’étymologie de ce mot, puis nous verrons ce qu’il désigne concrètement, comment il se construit dans l’existence de l’individu. Nous finirons sur une réflexion autour de la question de l’individuation, puisque c’est bien la chose centrale en psychologie : comment être moi-même, conscient de tout ce qui me constitue et non pas aliéné par le monde extérieur et ses contraintes, ainsi que par mon inconscient.
Je vous proposerai enfin de partir à la rencontre de votre personne, et de votre Persona. Voire de vos Persona car on peut considérer que dans le monde actuel, nous en avons souvent plusieurs.

Etymologie
En latin, persona signifie le masque. Ce terme désignait d’abord le masque que les comédiens portaient lors de représentations de théâtre, puis l’acteur lui-même. Il y a donc là la notion de représentation, de jeu, jouer à être un personnage donc, et cette parenté avec la dimension dramatique est à garder à l’esprit.
Ensuite, le terme est entré dans la sphère sociale, où persona désignait le rôle de l’individu dans la société : sa profession, son rang, sa position dans la cité. On retrouve cette idée aujourd’hui dans les expressions « personne physique » et “personne morale” par exemple.
Ce sont ces deux aspects de l’étymologie du persona qui ont sûrement motivé le choix de ce mot.
La Persona en psychologie analytique
En psychologie jungienne donc, la Persona désigne la part de soi que l’on porte en société et qui n’est pas la totalité de soi-même. Néanmoins elle en est une part importante, ne serait-ce que parce que nous sommes des animaux sociaux, organisés en groupe, où chacun a des responsabilités dans la collectivité. Qu’on soit vendeur en pâtisserie, pilote de ligne, banquier, assistante maternelle, secrétaire, ministre ou poète, on participe tous à la société.
Ainsi, de part cette participation obligée à la société, nous avons une espèce de masque social, composé de notre parcours d’études, de nos qualifications, de nos compétences, de nos prérogatives, de notre champ d’action, de nos expériences, et donc en grande partie construit sur le modèle du rôle que nous jouons en pratiquant notre métier.
Du temps de Jung, on ne changeait pas souvent de métier. On avait un métier, c’était pour la vie, et souvent de père en fils. Ainsi ce terme était plutôt employé au singulier. Néanmoins aujourd’hui, on est amené dans notre vie à avoir plusieurs métiers souvent, et donc pas une seule carrière mais plusieurs finalement, et autant de rôles différents à jouer selon les moments de notre vie.
Mais la persona peut aussi être construite sur ce qui a été projeté sur nous par notre contexte familial. Par exemple si on est identifié comme étant “fille ou fils de”, si on a un patronyme célèbre, si on hérite de l’entreprise familiale…etc.
Si on ne travaille pas, la persona peut se construire sur une responsabilité qui nous a longtemps occupé, par exemple pour une mère de famille nombreuse. Sa persona sera proche de son rôle de maman si elle s’identifie trop à celui-ci au point de ne plus savoir qui elle est vraiment lorsque les enfants ont grandi.
Donc en résumé, la persona est la part de soi grâce auquel on participe au monde. Même l’ermite retiré du monde a donc une persona : celle de l’ermite. Même le rebelle anti-système a une persona : celle du rebelle anti-système. Même les personnes “déconstruites” comme on entend en ce moment peuvent avoir une Persona de personnes déconstruites dès lors que ça leur donne une existence sociale.
NB : est-ce que je suis la seule à tiquer quand j’entends cette nouvelle expression dans les réseaux sociaux ? La dernière fois j’ai entendu une humoriste en interview, elle était contente d’avoir un homme “déconstruit”. Je me suis dit que je le prendrai mal si j’étais un homme d’être déconstruit ! Blague à part, reprenons.

Avoir une Persona, c’est grave ?
Non, c’est même obligé ! C’est grâce à la Persona qu’on honore bien notre rôle dans la collectivité, ses responsabilités, et qu’on fait bien son travail. C’est grâce à la Persona qu’on sait spontanément passer de l’attitude qu’on aurait dans l’intimité, en famille ou avec ses amis, à l’attitude qui est requise au travail. Notre monde est codifié, et se sentir participer au monde nécessite d’être capable de naviguer sur ces codes.
Le problème c’est lorsqu’il y a confusion avec la persona. Alors non avoir une Persona c’est pas grave, c’est juste normal, en revanche avoir un problème de Persona oui, ça peut être grave. Je m’explique.
Prenons une femme qui choisit de faire des études de droit. On va l’appeler Marie Dupont. Elle s’en sort bien, elle se sent à sa place à l’université, elle fait de longues études. Devenue avocate, elle se sent bien dans la robe d’avocat. Elle est heureuse de gagner de l’argent. Elle se sent honorée quand ses clients sont contents. Elle prend même plaisir à plaidoyer. A ce moment là, elle est avocate, c’est une fierté et y a de quoi – elle a beaucoup étudié. On va dire qu’elle est dans l’âge d’or de son histoire avec sa Persona.
Les années passent, vers 35 ans elle se retourne et un truc en elle s’inquiète de toutes heures travaillées, toutes ces soirées restées à son cabinet. La satisfaction n’est plus la même. Qu’est-ce qui cloche ? Pourtant elle est une excellente avocate, elle a une bonne réputation et elle se sent alignée dans sa pratique. Elle est zélée, a une jeune fille au-pair pour s’occuper des enfants, possède un bel appartement, son mari bosse autant qu’elle et n’a pas l’air de s’en lasser… Qu’est-ce qui cloche ? Est-ce qu’elle n’aimerait plus son métier ?
Si le problème de cette insatisfaction traîne, il va amener de vraies problématiques existentielles. Elle peut finir par décider que ce métier qu’elle adore n’est pas fait pour elle et tout plaquer pour faire une reconversion, si la tension devient trop pénible. Ca sera une tentative de se sortir de cette émotion là. Mais le problème pourra ressurgir dans sa nouvelle activité, sous une autre forme.
Elle peut aussi continuer à exercer avec une humeur qui va se ternir et devenir maussade, lourde d’un inconfort qu’elle ne comprend pas et qu’elle juge irrationnel. Et donc souffrir de ce qu’elle a construit avec plaisir, ce qui est un non-sens.

Qu’est-ce qui se passe ?
Notre avocate n’a pas de problème avec son métier : elle l’a choisi et elle l’adore. Là dessus elle ne se ment pas à elle-même, c’est un chemin qu’elle a choisi avec le cœur et qui a correspondu longtemps à ses attentes. Alors, où est le problème ?
Le problème c’est que dans son amour de son métier, elle a fini par s’identifier à sa Persona. C’est à dire qu’avocate n’est plus son “métier” mais son identité. Vous savez ces personnes qui vous demandent direct ce que vous faites dans la vie, dans un contexte qui n’a rien à voir avec le travail… Comme si c’était le seul truc important dans leur monde. Alors qu’on peut passer une soirée voire des vacances entière à sympathiser avec des gens sans savoir le métier qu’ils exercent !
Or, vous l’aurez compris. c’est là qu’elle se trompe et c’est le message de sa souffrance. Par cette baisse d’humeur, son inconscient lui dit : tu n’es pas QUE Maître Dupont, avocate au barreau de Paris. Tu es Marie. Qui est Marie ? A cette question elle répondra : je suis avocate. Non mais qui est Marie ? Et c’est à partir de cette simple question que pourra démarrer un travail qui la reconnectera avec elle-même, et avec toutes les autres parties de sa personnalité qu’elle a oublié.
Ainsi, on a un problème de Persona lorsqu’on s’identifie à l’une de ses tâches, comme si on était ce que l’on fait. On a un problème de Persona quand, en dehors du travail, en dehors de ce qui nous fait nous sentir concrètement présent au monde, on n’est pas disponible pour le reste.
Marie aimait bien aller au Musée lorsqu’elle était étudiante, elle dessinait un peu aussi. Elle aimait aller dans des festival d’électro. Elle aimait rêvasser en se promenant sur les quais de Seine, prendre le temps de ne rien faire. Où sont ces Marie-là ? Elles sont restées 10-15 ans en arrière et le désarroi de Marie traduit une urgence à se reconnecter à ces parts d’elle qui ont su la rendre heureuse et satisfaite, et faire honneur aux différentes saveurs de la vie.
Ainsi, si Marie cesse de fusionner avec son métier, elle retrouvera l’équilibre, et pourra même apprécier de regarder la vie comme un jeu de masque, où on peut être maître Dupont le vendredi, aller danser sur de l’électro le samedi, et prendre le temps de rêvasser avec ses enfants le dimanche.
Points communs et différences avec d’autres concepts
Différence avec le faux-self de winnicott
Il y a souvent une confusion entre le concept de la Persona de Jung et le concept du Faux-Self de Winnicott.
On aura un problème de faux-self quand on se construit une Persona qui n’est pas fidèle à soi-même, qui trahit nos valeurs et notre sensibilité.
J’ai deux exemples de faux-self célèbres qui me viennent. Louis XVI était un roi qui n’aimait pas être roi : voilà pour l’exemple simple et efficace. Il ne pouvait pas être lui-même car la Persona du roi est particulièrement exigeante et impossible de la suspendre sur le porte manteau en rentrant le soir…
Un autre exemple me vient grâce à un film que j’ai beaucoup aimé et que j’ai vu il y a quelques mois. The Best Of Enemies de Robin Bissel. C’est une histoire vraie qui met en scène une tentative de médiation dans une ville de Caroline du Nord, dans les années 60. La politique de la ville est rendue impossible par les tensions entre les populations noires qui exigent des droits égaux aux blancs, et le Klux Klux Klan. Le chef du Klux Klux Klan fera son coming-out en reconnaissant qu’il est devenu ce responsable raciste pour faire partie d’un groupe. Mais au fond de lui, ses convictions ne suivent pas, il n’est pas le suprémaciste blanc qu’il prétend être. Cet homme a existé, il s’appelait C.P. Ellis. Ici aussi donc on a une Persona mal choisie et devenue un faux-self.
Donc, quelqu’un qui a un problème de Persona c’est quelqu’un qui doit remettre chaque chose à sa place : sa vie pro ici, sa vie familiale là, son enfant intérieur ici, son ado intérieur là… etc, il doit refaire de la place à d’autres centres d’intérêt qui lui font du bien et qui vont lui permettre de se sentir entier. S’il ne le fait pas il peut tomber en dépression à terme et de toute façon il sera maussade et fatigué.
En revanche, quelqu’un qui a un problème de faux-self, littéralement de “faux-moi” c’est quelqu’un qui se trompe sur la personne qu’il croit être. Et ça, si c’est pas corrigé, ça peut mener à la dissociation, au burn out, à des crise existentielles en tous genres. Le décalage est si fort entre ce que je prétends être et ce que je suis, que je vais surjouer mon personnage en espérant qu’en faisant ça, je vais mieux me sentir correspondre à mon personnage (devenir chef du Klux Klux Klan, c’est pas rien). Je vais donc devenir la caricature de mon erreur déniée au lieu de faire marche arrière. Et puis si ça dure je vais me dissocier c’est à dire me couper de mes émotions, pour ne plus ressentir l’inconfort existentiel, l’absurdité de la situation dans laquelle je m’enferme.

Personnalité numéro 1 et numéro 2
Avant de conceptualiser la persona et de l’observer comme une problématique courante chez ses patients, Jung avait déjà mis à jour dans sa personnalité à lui, deux sous-personnalités qu’il appelait : sa personnalité numéro 1 et sa personnalité numéro 2.
L’une est extravertie, à l’aise dans les contacts professionnels, elle défend ses idées, ses recherches, elle va au contact d’autres penseurs, elle voyage.
L’autre est introvertie, elle le pousse à se replier, à dessiner les illustrations de son livre rouge, à faire des petites maisons avec des galets sur la plage de sa maison, au bord du lac.
La Persona de Jung se logerait donc plutôt dans sa personnalité extravertie et elle s’est construite à partir de la fin de son adolescence et affirmée dans ses études. Auparavant, quant il n’avait pas de Persona, il était au contraire plutôt sauvage et peu sociable.
Et vous, à quoi ressemble votre persona ?
A votre tour, je vous propose de réfléchir à votre Persona. On va parler de soi à la 3e personne pour l’occasion, parce que c’est pratique – et drôle. Et donc j’ai imaginé le petit exercice que voici, pour vous permettre de faire le point avec votre persona :
- Comment s’est construite la Persona de Léa ? Quel est son parcours de formation par exemple, de ses apprentissages.
- Quel est son rôle dans la société, dans le groupe à cette Persona?
- Qu’est-ce qui est attendue d’elle ?
- Quelles sont ses responsabilités ?
- A quoi ressemble-t-elle, physiquement la persona de Léa ? Est-ce qu’elle a un style vestimentaire exigé, une façon de s’exprimer…
- Qu’est-ce qui est sympa dans ce rôle ?
- Qu’est-ce qui est contraignant et pénible, dans ce rôle ?
- Quelles sont les valeurs qu’elle porte ? Est-ce que ces valeurs sont bien alignées avec les valeurs profondes de Léa ?
- Est-ce qu’il y a des valeurs personnelles qui sont malmenées par cette Persona ?
- Est-ce qu’il y a de la place pour laisser vivre aussi d’autres parts de soi, ou est-ce que cette Persona prend toute la place ?
- En fonction de mes réponses, des déséquilibres peuvent être mis en évidence. Quelles actions puis-je faire, quelles décisions concrètes puis-je prendre pour réajuster les choses ?
Etre une personne ou n’être personne ?
Enfin en conclusion, je voulais vous partager quelque chose que j’ai découvert en préparant cet article et que j’ai trouvé hyper intéressant.
La notion de Persona et la notion de personne sont deux choses très différentes vous l’aurez compris. L’idée de personne contient l’idée d’individualité, d’authenticité, de vérité. Alors que la persona désigne un masque qu’on va mettre par-dessus la personnalité dans le cadre d’échanges avec les autres.
Aparté : Ainsi, si on s’identifie complètement avec sa persona, on devient… personne ! Puisqu’on ne sait plus qui on est. Et c’est encore un autre sens du mot personne, puisque la langue française est vraiment folle (sérieux, utiliser le même mot pour désigner la présence et absence…). Je divague encore un poil – classique en fin d’article – mais je reviens !
Cependant, ces deux notions Persona et personne, découlent de la même racine, dans la continuité de l’histoire des usages du mot persona, que j’ai évoqué au début de cet article. A savoir persona désigna d’abord le masque des comédiens de théâtre, ensuite le statut social du citoyen, ainsi que nous l’avons vu. Mais ensuite ce terme persona a été repris par l’église pour désigner la nature profonde de l’être, ce qui le relie à ce qu’il est profondément.
On retrouve ici le principe d’individuation cher à Jung et, étant donné son attachement au christianisme, il ne pouvait pas je pense ignorer cette double parenté du mot persona : masque social d’une part, personnalité dans le sens individualité d’autre part. On a ici les deux ingrédients de base d’un processus d’individuation.
Finalement, le parcours d’individuation, devenir qui on est, ce n’est pas renoncer à qui on est, c’est en prendre conscience. La Persona, si elle est à sa place, doit aider à l’épanouissement de la personnalité.
Merci de m’avoir lue !
Faites de beaux rêves et notez les !
Si cet article vous a plu, je vous invite à regarder mes vidéos sur Youtube à propos du rêve et de la psychologie analytique de Carl Gustav Jung
Voir la chaîne YT de Léa Le Gall
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