Le Magicien d’Oz : analyse du rêve de Dorothée

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Bonjour à tous, aujourd’hui j’inaugure une nouvelle série d’articles qui parlera de la place du rêve au cinéma et le film à l’honneur pour commencer est le Magicien d’Oz.

J’ai une grande liste d’idées pour 2025, il y aura aussi des articles qui parleront du rêve en littérature et des rêves des personnes célèbres : hommes politiques, scientifiques, artistes… Etc Le rêve fascine depuis toujours les hommes et les grands hommes ne font pas exception loin de là !

Mais pour commencer j’ai choisi le Magicien d’Oz. Pourquoi?

Parce que c’est mon film préféré, depuis que je suis toute petite, je le regarde régulièrement et c’est vraiment un film qui fait très plaisir à mon enfant intérieur ! Et mes enfants adorent le regarder aussi !

Et puis parce que ce film est un rêve, un rêve devenu un monument du cinéma hollywoodien. Le rêve de Dorothée, et c’est ça qui va nous intéresser aujourd’hui..

Le Palais du Magicien d'Oz

Credit : Pictorial Press Ltd / Alamy Stock Photo
Le Palais d’Emeraude – Le Magicien d’Oz (1939) – Image protégée

I] Le Magicien d’Oz : un film mythique

Sorti en 1939 et produit par la MGM, Le Magicien d’Oz est un film mythique par bien des aspects : 

  • Il fait connaître le roman du même nom de Lyman Frank Baum, régulièrement censuré pour mettre en scène une jeune femme dans une posture de leader… En ce sens c’est un film progressiste.

  • Il va propulser Judy Garland au rang de Star d’Hollywood. Elle remporte grâce à ce film l’Oscar de la jeunesse.

  • La chanson “Over the Rainbow” remporte le trophée de la meilleure chanson originale et aujourd’hui tout le monde connait cette chanson, même ceux qui n’ont jamais vu le film.

  • Il va populariser l’usage du “technicolor”, la technique de l’époque pour faire des films en couleur. Jusqu’alors le public n’aimait pas trop les films en couleurs, leur reprochant d’avoir des couleurs d’être trop saturées et donc de manquer de naturel. Mais ici le technicolor est utilisé pour coloriser le rêve de Dorothée. Ainsi la technique de l’époque est parfaite pour créer l’ambiance onirique dont l’histoire a besoin.
Over the Rainbow : rencontre avec la fée Linda

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Over the Rainbow : rencontre avec la fée Linda – Le Magicien d’Oz (1939) – Image protégée

II] Du Sépia au Technicolor 

Situation initiale du film Le Magicien d’oz

Au début du film, on suit Dorothée, adolescente qui vit dans une ferme du Kansas. Elle a visiblement un caractère bien trempé et une âme rebelle. 

Dorothée est remontée contre la voisine aigrie et frustrée, Miss Gall qui en a après son chien et menace de le faire euthanasier.

Nous découvrons également les personnes de son cercle proche : les trois employés de la ferme, son oncle et sa tante.

Dorothée improvise une fuite pour éviter à son chien d’être euthanasié. Idéaliste comme le sont tous les jeunes, elle rêve d’un pays “au délà de l’arc-en-ciel” – “somehere over the rainbow” en chantant la chanson que l’on connaît tous. 

Elle rencontre alors sur la route un saltimbanque dans sa roulotte : le Professeur Merveille. Le gars est un voyant-magicien-charlatan et assez voleur… Un personnage ambigu qui n’a pas l’air méchant mais qui est un genre de couteau suisse du paranormal.

Jouant de sa boule de cristal il lui dit qu’elle doit rentrer chez elle, certainement car il voit bien qu’une adolescente n’a pas à partir sur la route toute seule.

En rentrant, un ouragan se prépare. Arrivée dans sa chambre, elle se cogne la tête et perd connaissance. C’est là que le rêve commence.

La vie en Sépia

Ce début du film est dans des tons sépia, et non pas en noir et blanc – comme pour montrer que la réalité de Dorothée est la version de ce que Dorothée en perçoit, avec sa personnalité et son âme d’adolescente. Et de fait, la manière dont on comprend la vie n’est qu’une version de la vie parmi d’autres, directement dépendante de la perception qu’on en a.

Si on est attentif aux dialogues dans cette situation initiale – bien que le son ne soit pas terrible – on comprend pourquoi le rêve va bientôt recruter certaines de ces personnes pour sa mise en scène. En effet, le rêve est un metteur en scène fûté qui raconte une histoire en piochant dans notre histoire et dans nos références des éléments pour leur capacité à former des symboles.

Et voici la valeur symbolique des personnes de l’entourage de Dorothée et les symboles qu’ils vont bientôt incarner dans le rêve :

  • La voisine Miss Gall est tyrannique, frustrée et mauvaise. Elle a l’air de s’acharner contre Dorothée et son chien, sûrement parce que Dorothée est caractérisée par un grand coeur et une forte émotivité, qualités dont cette femme semble dénuée. Dorothée, se plaignant d’elle, la qualifie de “vieille sorcière”. Miss Gall a donc le CV idéal pour incarner la sorcière !

Parmi les employés de la ferme, il y a trois hommes qui ont eux aussi des traits de caractères assez saillants et l’air de se chamailler en continue. Dans leurs échanges, on sent déjà les fragilités de chacun : 

  • Le premier se plaignant de n’être pas pris au sérieux rétorque qu’il n’a pas “une tête bourrée de paille”. Il a visiblement un complexe d’infériorité à l’endroit de l’intelligence : il va donc représenter la fonction pensée.

  • Le second dit qu’il n’est pas “une statue d’acier” pour signifier qu’il n’est pas insensible : il va donc représenter la fonction sentiment.

  • Le troisième va chercher Dorothée qui est tombée dans l’enclos des cochons, mais juste après il avoue avoir eu très peur : il va donc représenter la problématique du courage et de la peur.

  • Enfin le Professeur Merveille est tout choisi pour représenter le Magicien d’Oz !
Miss Gall devient La sorcière de l'Ouest

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Miss Gall devient « La Sorcière de l’Ouest » – Le Magicien d’Oz (1939) – Image protégée

Le rêve en technicolor

Dorothée perd connaissance et se réveille dans sa maison qui tournoie dans les airs, emportée par l’ouragan ! Alors elle voit par la fenêtre Miss Gall sur son vélo, pédalant dans les airs. Elle se transforme devant ses yeux en sorcière sur son balais : ça y est nous sommes dans le rêve.

La maison qui tourne est ici un point intéressant. J’ai une élève du Labo qui nous a partagé un rêve dans lequel elle sentait sa maison tourner de la sorte. Elle va sourire si elle lit cet article ! La maison qui tourne annonce un changement de perception en cours chez Dorothée. Elle s’apprête à avoir une autre vision des choses : et de fait si avant le rêve elle voulait fuir sa maison seule avec son chien, lorsqu’elle se réveillera de son rêve elle promettra de rester chez elle, de toujours rester avec ceux qu’elle aime : son impulsivité d’adolescente se sera calmée, elle ne voudra plus fuir face à l’adversité et elle aura en quelque sorte grandi.

La maison finit par se poser dans un pays extrêmement coloré avec des fleurs immenses et des couleurs éclatantes : on n’est plus dans la vie en sépia, on est dans la partie du film en couleur, en “technicolor” comme ils disaient à l’époque. En revoyant ce film avec mes enfants, j’ai repensé à un rêve d’une autre élève du Labo où il y avait des fleurs immenses aussi !

Dorothée reconnaît cet endroit comme étant ce pays “au-delà de l’arc-en-ciel’, “over the rainbow”, ce pays qu’elle espérait en chantant. Ce qu’elle ne sait pas encore, puisqu’elle rêve, c’est que ce pays est à l’intérieur d’elle-même, ce pays aux fleurs impressionnantes, et qu’il n’est pas lui non plus sans danger, sans adversité. Et que c’est donc à l’intérieur d’elle-même que ça se joue d’abord.

III ] Analyse du rêve de Dorothée

Première péripétie

Le rêve commence avec une première péripétie : la sorcière de l’Est a été écrasée par la maison de Dorothée en se posant dans ce pays imaginaire. Le peuple célèbre Dorothée comme une bienfaitrice : ils la prennent pour une fée !

On rencontre également l’archétype du Bien : Linda, la fée du Nord qui assurera la protection de Dorothée dans ses aventures. Et l’archétype du mal : une seconde sorcière, la sorcière de l’ouest qui n’est autre que le portrait de la voisine, Miss Gall.

Ainsi, le rêve prévient : se débarrasser d’une sorcière, autrement dit de quelque chose qui nous cause du souci de manière rapide et expéditive ne résout rien : la sorcière se dédouble et sa jumelle est pire encore !

Mais dans le personnage de Linda, la fée du Nord, nous n’avons pas qu’un archétype du bien. Nous avons en fait une représentation du Soi. Linda dit en effet qu’elle est elle-même une sorcière mais que c’est son refus de la méchanceté qui la différencie des deux autres. Elle est juste, elle tranche quand il faut, elle protège et condamne, mais elle n’est pas mauvaise. Sa capacité à être en colère est tournée vers quelque chose de constructif.

Les sorcières jumelles sont donc des représentations de l’Ombre : il faut faire face à l’Ombre, il faut accepter les défis qu’elle nous lance, il ne faut pas chercher à fuir. Première leçon pour Dorothée : sa réaction de fuite était une mauvaise idée. En fuyant la voisine, elle s’est retrouvée dans un ouragan, ce qui est pire. En écrasant la sorcière avec sa maison, elle rencontre une sorcière plus puissante encore.

Autrement dit, au lieu de fuir ce qui nous dérange, il faut chercher d’abord à rentrer en soi : qu’est-ce que ça dit de moi, des émotions qui me traversent, des élans qui sont les miens? L’impulsivité de Dorothée c’est une énergie de l’Ombre qui n’est pas constructive en l’état et dans ce rêve elle va devoir apprendre à diriger cette énergie de révolte pour construire, elle aussi.

Les souliers de Rubis

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Les souliers de Rubis – Le Magicien d’Oz (1939) – Image protégée

Linda, la fée du Nord lui met au pied les souliers de rubis magiques de la sorcière morte. Ce sont ces souliers rouges qui vont la protéger maintenant. Autrement dit, l’énergie de l’Ombre, si elle est accueillie et non pas refoulée, peut devenir une force qui protège et même qui aide à avancer.

Dorothée veut rentrer chez elle : la fée du Nord lui indique le chemin à prendre pour se rendre chez le Magicien d’Oz qu’elle surnomme “le maître du feu” d’où elle pourra retourner chez elle. Cette appellation “le maître du feu” est intéressante. Le feu est synonyme de vie, de pulsion de vie, on pense au “feu sacré”. Cheminer vers le Magicien d’Oz, c’est donc cheminer vers son “feu sacré” : c’est-à-dire son énergie intérieure mature, son ardeur, une force plus complète que celle avec laquelle elle est arrivée dans le rêve. Elle était émotive, impulsive et assez égocentrique : elle va devenir juste, c’est-à-dire capable d’une réflexion plus complète.

La croisée des chemins

Dorothée doit suivre la route pavée de briques jaunes. Rapidement, elle se retrouve à un carrefour. Il y a là un épouvantail qui lui dit que chaque promeneur choisit le chemin qui lui fait envie. Autrement dit, à la croisée des chemins, tous les chemins mènent à Oz. 

J’aime beaucoup ce moment du film car si tous les chemins mènent à Oz, cela signifie que tous les chemins mènent à Soi. Et c’est quelque chose d’essentiel à comprendre ! En effet, dans la vie, il y a régulièrement des carrefours, des moments où on a le choix entre plusieurs possibilités. C’est alors très anxiogène car on a l’impression que si on fait le mauvais choix, notre vie va en dépendre. Et lorsqu’on se décide enfin, on a tellement idéalisé ce “bon choix” qu’on est forcément déçu et qu’on se met à idéaliser les autres choix qu’on n’a donc pas fait.

Or, lorsqu’on est engagé dans un processus d’individuation, c’est-à-dire lorsqu’on cherche à être aligné avec sa nature profonde, cette situation revient tout le temps ! C’est là où l’enseignement du film est formidable : il n’y a en définitive pas de meilleur chemin. Si l’objectif qu’on poursuit est juste pour Soi, si on est aligné avec la direction, tous les chemins mèneront à Soi.

L'épouvantail sans cervelle

Credit: FlixPix / Alamy Photo Stock
L’épouvantail sans cervelle – Le Magicien d’Oz (1939) – Image protégée

L’épouvantail sans cerveau

L’épouvantail est charmant mais triste : il se plaint de n’avoir pas de cerveau, seulement de la paille dans la tête : on reconnaît sous les traits de l’épouvantail l’employé de ferme qui sur-réagissait dès qu’il se sentait attaqué sur son intelligence ! C’est lui qui dit à Dorothée : “Si vous aviez une cervelle, que feriez vous ?”

C’est LA bonne question à se poser ! Et on peut tirer un enseignement de cette scène. L’épouvantail est persuadé de n’avoir pas de cerveau. Or cette question lui permet de raisonner. C’est bien la preuve qu’il a un cerveau et qu’il s’agit ici d’une croyance limitante tenace.

En psychologie analytique on considère que lors de notre évolution nous avons développé tel ou tel trait de personnalité en priorité soit parce que c’était facile, soit parce que le contexte nous incitait à le faire. Par exemple, si on met en valeur le fait qu’une petite fille doit être “sage”, elle développera ce trait de caractère car être sage lui permet d’être aimée. Et inversement : si on se réjouit qu’une petite fille “c’est un vrai garçon manqué”, elle souhaitera inconsciemment donner raison à la maman qui ainsi se reconnaît en elle. Et puis s’il y a plusieurs enfants dans la fratrie, les cadets prendront des traits de personnalité que le 1er n’a pas pris, et on observe que les traits de personnalités sont finalement répartis entre les frères et sœurs.

Il en va de même pour les croyances limitantes impliquées dans les comportements. Un très bon moyen de renverser la tendance lorsqu’on veut progresser c’est de se dire, comme l’épouvantail : “ Si j’avais une cervelle, qu’est-ce que je ferais?” On peut remplacer le mot cervelle par les qualités qui semblent nous faire défaut. Par exemple, moi j’ai toujours eu un problème avec mon image. Au point que je n’avais aucune photo de moi et que je ne supportais pas de me voir en vidéo. Un jour je me suis dit : “Si j’avais un rapport sain avec mon image, qu’est-ce que je ferais ?” La réponse a été : je ferais une chaîne Youtube ! Et c’est ce que j’ai fait. Le faire alors que je m’en sentais incapable m’a permis de me débarrasser d’une étiquette et de donner tort à cette croyance qui me limitait : ça a marché, je n’ai plus de problème avec mon image, c’est devenu un non sujet. Et faire des vidéos me plait beaucoup !

Dans la scène d’après, l’épouvantail fait d’ailleurs preuve de ruse et dans sa volonté de protéger Dorothée. Il se révèle être le stratège du groupe. La mission, l’objectif fixé, lui permet donc de développer un trait de personnalité qui, jusqu’alors, dans son job d’épouvantail, n’avait pas eu l’occasion de se développer et donc semblait absent.

L'épouvantail, l'homme d'acier, Dorothée et le lion - Le Magicien d'Oz

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L’épouvantail, l’homme d’acier, Dorothée et le lion – La Magicien d’Oz (1939) – Image protégée

L’homme d’acier sans coeur et le lion sans courage

Les deux rencontres suivantes sont un homme d’acier et un lion. Suivant le même principe que le personnage de l’épouvantail, l’homme d’acier ressemble au second employé de ferme que nous avons aperçu au début du film. Il se plaint de n’avoir pas de cœur, ce qui le rend triste, le fait pleurer et donc le fait rouiller… Évidemment s’il n’avait pas coeur, il ne pourrait pas pleurer…

Ce personnage me fait penser aux personnes qui ont un blocage émotionnel ou qui ont verrouillé l’accès à leur fonction sentiment. Tout est en eux, rien n’a disparu, et pourtant à force de se croire “froids” ou “peu émotifs”, “bloqués”, ou encore “incapables d’être amoureux” ils s’en persuadent et s’enferment dans leurs croyances : ils finissent par “rouiller” en quelque sorte.

Enfin, les trois compagnons d’infortune se voient rejoints par un lion pleurnichard qui se désole de n’avoir pas de courage. Sous les traits du lion on reconnaît le troisième employé de ferme, celui qui avait sauté sans réfléchir dans l’enclos des cochons au secours de Dorothée. La peur qu’il avait ressenti pour elle lui avait fait craindre pour son coeur : est-il cardiaque ou hypocondriaque ? En tout cas, il fait une recrue idéale pour incarner la question de la peur et de son corollaire la question du courage. Dans courage d’ailleurs, il y a le mot cœur.

Dorothée se voit donc accompagnée dans son voyage jusqu’au palais du Magicien d’Oz de trois compagnons qui mettent l’accent sur trois problématiques qui l’accompagnent en ce moment, dans son évolution d’adolescente qui devient femme : le rapport à la réflexion (avec le personnage de l’épouvantail), la place du sentiment et de ses valeurs (avec l’homme d’acier), la gestion des émotions et la mise en action (avec le lion peureux). 

Dans ce quatuor, Dorothée incarne la spontanéité, la passion et le panache de la jeunesse : c’est elle qui permet à tout ce petit monde d’avancer. Son insolence et sa révolte sont en train de se transformer en une réelle énergie motrice qui lui permet de découvrir l’étendue de sa force intérieure. Elle est en train de faire l’expérience de son intuition.

"Ramenez moi le balais de la sorcière"

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« Ramenez moi le balais de la sorcière » – Le Magicien d’Oz (1939) – Image protégée

Les épreuves de la sorcière

Les quatre amis arrivent au Palais d’Emeraude où vit le Magicien d’Oz. Mais ils ne peuvent pas y entrer. Pour être introduits dans son palais, le Magicien pose une condition “Ramenez moi le manche à balais de la sorcière de l’Ouest”.

Ils s’aventurent donc dans la forêt inquiétante du territoire de la sorcière. La sorcière leur envoie plusieurs épreuves dont ils vont réussir à se sortir en comptant sur les qualités des uns et des autres. 

On dit que les épreuves nous révèlent à nous même. Et c’est vrai : c’est dans l’adversité qu’on prend conscience des ressources que l’on porte en Soi. Ainsi la sorcière est un élément indispensable du rêve : elle incarne l’Ombre, c’est-à-dire les difficultés de la vie mais également une partie de Soi qui peut envoyer ses sbires pour maintenir l’ordre ancien. 

En effet l’Ombre est une représentation de l’inconscient. Tant qu’on n’a pas pris conscience de certaines choses, on se retrouve dans des situations qui se ressemblent et se répètent. Avec des accents d’auto-sabotage et de mise en échec.

Les épreuves envoyées par la sorcière sont de cet ordre là : à chacun de ses assauts, les quatre compagnons vont chercher en eux les qualités nécessaires à s’en sortir. L’épouvantail va briller par son intelligence, l’homme d’acier se révéler un vrai homme de cœur, totalement dévoué à ses amis, et même le lion va être capable de surpasser ses peurs pour protéger les trois autres.

Autrement dit, étant donné que le rêve raconte l’évolution de Dorothée sur un plan psychique : pour grandir, Dorothée doit accueillir sa réflexion comme l’épouvantail (ce que son impulsivité ne lui permettait pas), son Sentiment comme l’homme d’acier (autrement dit être moins égoïste et être consciente de l’amour autour d’elle) et ne pas se laisser manipuler par sa peur comme le lion (autrement dit ne pas fuguer par peur du voisinage mais affronter ses responsabilités).

Dorothée réussit à tuer la sorcière sans le faire vraiment exprès, en ayant l’intuition de lui jeter un seau d’eau au visage : l’eau ici symbolise la vie. C’est la pulsion de vie, soutenue par la pensée, le sentiment, le courage et l’intuition qui mettent un terme au système de la sorcière jalouse de son pouvoir. Tous les soldats de la sorcière remercient d’ailleurs Dorothée de les avoir libérée : autrement dit : plein de contenus inconscients changent de valence : ils passent d’une valence négative – au service de l’Ombre – à une valence positive : ils rejoignent la conscience.

La sorcière de l'Ouest meurt

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La Sorcière de l’Ouest meurt – Le Magicien d’Oz (1939) – Image protégée

Le palais d’Emeraude du Magicien d’Oz

Après avoir éliminé la sorcière, libéré ses sbires de leur aliénation et récupéré son balais, les quatre compagnons arrivent donc au Palais d’Emeraude, où vit le magicien d’Oz. Il arrivent donc là-bas après avoir réussi les épreuves de l’Ombre, autrement dit ils arrivent transformés. Ce qu’ils espéraient trouver en rencontrant le magicien d’Oz, ils l’ont déjà trouvé mais ils l’ignorent.

C’est ainsi qu’arrivé devant les portes du palais, l’épouvantail se réjouit “Je la tiens ma cervelle !”. L’homme d’acier dit “Je sens déjà mon coeur battre”. Et le lion s’impatiente : “Encore une heure et je serai le roi de la forêt.”

En effet l’épouvantail est devenu le cerveau de la bande, l’homme d’acier, l’ami fidèle, et le lion a réussi à jouer son rôle de protecteur. Il chante “Qu’est-ce qu’il me faudrait tant et que j’attends ? Du courage.”

Cette formulation est intéressante et nous pouvons nous sentir concernés : qu’est-ce qu’il me faudrait en ce moment et que j’attends ? Comme si ça allait tomber du ciel, comme si ça allait venir vers moi de l’extérieur, sans que j’ai besoin d’aller le chercher?

Du courage ! Autrement dit une ressource intérieure. Et c’est l’enseignement du lion : c’est en Soi que tout existe, c’est en Soi que l’on doit aller chercher pour trouver les conditions de notre épanouissement. Tant que le lion ne va pas repêcher ce courage qu’il porte en lui, tant qu’il ne le reconnait pas en lui, il ne peut pas accéder à son désir : il ne peut pas régner. Il peut pleurnicher mais l’attitude d’un Caliméro est encore une manière d’attirer l’attention des autres, de se sentir important, valorisé, au lieu d’aller découvrir sa force intérieure.

C’est une image vraiment très intéressante car à chaque étape de notre évolution, ce qui nous empêche d’accéder à ce qu’on désire ce sont nos peurs. Par exemple moi en ce moment je désire très fort me remettre à dessiner, à écrire et à peindre… En moi il y a un blocage. Et s’il y a un blocage, c’est donc qu’il y a une peur. Que dit cette peur ? Cette peur me dit que j’ai peur de ne pas réussir. J’ai peur de ce moment où on se remet à quelque chose, où il faut reprendre la main. J’ai peur car je sais que je vais commencer par être très nulle avant de retrouver mes capacités d’avant. Et puis j’ai peur que ce que je produise ne soit pas apprécié…

Donc plutôt que de traverser tout ça, ce qui va être désagréable c’est sûr, je pourrais continuer à faire mon Caliméro et à me dire “je peux pas, je suis bloquée!” Ou bien je peux rassembler mon courage et y aller.

A chaque fois qu’on est coincé, bloqué, c’est qu’il y a une peur à débusquer. Il va s’agir de comprendre d’où elle vient, qu’est-ce qu’elle protège et ensuite il va s’agir d’avoir le courage de lui donner tort en allant là où elle nous empêche d’aller. Et ce courage est en Soi, jamais à l’extérieur.

Le Magicien d'oz (1939)

Credit : Moviestore Collection Ltd / Alamy Stock Photo
Le Magicien d’Oz (1939) – Image protégée

La leçon du Magicien d’Oz

Avant de chercher à résoudre quelque chose à l’extérieur, il faut d’abord le résoudre en Soi. C’est précisément ce que va leur expliquer le Magicien qui en fait n’est même pas un vrai magicien. Sous les traits du magicien d’Oz, on reconnaît le professeur Merveille, l’espèce de charlatan bienveillant qui avait conseillé à Dorothée de rentrer chez elle au début du film.

Il ne s’agit pas d’un vrai magicien, c’est juste un homme, mais on dirait qu’il joue au magicien parce que le peuple a besoin d’un Magicien. Ainsi il est le Magicien pour répondre à la demande, il est donc le support de projection de tout le monde.

Ça c’est aussi très intéressant. Beaucoup de personnes quand elles ont un souci s’adressent à un thérapeute comme à un magicien, en se disant : il ou elle va “faire quelque chose” et je vais aller mieux, je vais être débloqué, mes problèmes vont rentrer dans l’ordre… Ils n’ont pas conscience que le thérapeute ne fera rien. Seul l’individu peut faire quelque chose pour aller mieux. 

Le thérapeute, comme le magicien ici, est un support de projection qui va permettre de donner du sens au travail personnel et de baliser les choses à amener à la lumière. Ainsi le magicien qui leur demande de leur ramener le balais de la sorcière : ce faisant, il leur indique le meilleur chemin pour avancer dans leur individuation : commencer par le travail de l’Ombre. Commencer par regarder ce qui ne nous plait pas. Commencer par accueillir l’inconscient. Et ensuite seulement on va pouvoir agir sur le système en profondeur.

Le Magicien d’Oz qui en fait n’a pas de super pouvoirs, va leur expliquer que tout ce qu’ils cherchent est en eux. La preuve : pour obtenir le balais de la sorcière, ils ont dû collectivement donner le meilleur d’eux-mêmes et donc se surpasser, puiser en eux.

Pour entériner le processus il va leur offrir des objets à forte valeur symbolique. Il décerne donc un diplôme à l’épouvantail qui, en voyant le diplôme sent enfin son cerveau dans sa tête : le diplôme fait la cervelle ! Et une médaille pour couronner le courage du Lion. On devrait vraiment prendre le temps de se féliciter soi-même à chaque défi qu’on relève !

Le magicien leur montre aussi à quel point il est important de bien manier les deux aspects de l’archétype : quand on vise le courage, il faut maîtriser la prudence – ce que fait le lion. Pour bien penser il faut aussi être capable d’être distrait pour se focaliser seulement sur les choses importantes – comme l’épouvantail. Et pour avoir du cœur, il faut savoir dire non à ce qui nous trouble – comme l’homme d’acier. 

Autrement dit, les qualités recherchées existaient déjà dans leur contraire. Seule la mise en mouvement, hors de sa zone de confort permettait d’aller explorer l’autre facette de ce qu’ils connaissaient d’eux.

Dorothée exprime le souhait de rentrer chez elle. Elle a parcouru tout ce chemin pour que le Magicien la reconduise chez elle. Le Magicien compte l’emmener en montgolfière. Il demande aux trois autres de régner à sa place. Sur un plan psychique on peut voir que la pensée, le sentiment et le courage règnent maintenant sur le royaume intérieur de Dorothée.

Suite à un concours de circonstances, le magicien part sans elle. La fée du Nord réapparaît pour expliquer à Dorothée qu’elle peut rentrer chez elle toute seule en tapant ses souliers de rubis l’un contre l’autre. Les autres demandent : “mais pourquoi ne pas lui avoir dit qu’elle pouvait rentrer ?” La fée répond “ Je voulais qu’elle réfléchisse. Elle devait le trouver toute seule.”

Autrement dit la fée du Nord, cet archétype du Soi, considérait que ces épreuves oniriques étaient nécessaires pour que Dorothée assimile les choses et s’assagisse. Elle sort du rêve en tapant les souliers de rubis et en répétant “je reste auprès de ceux que j’aime”.

Dorothée et la fée Linda "Je reste auprès de ceux que j'aime"

Credit : WARNER BROS TURNER ENTERTAINMENT / RGR Collection / Alamy Stock Photo
« Je reste auprès de ceux que j’aime » Dorothée et la Fée Linda – Le Magicien d’Oz (1939) – Image protégée

III] Le réveil de Dorothée

Dorothée se réveille dans sa réalité en sépia. Tout le monde est autour d’elle. Le professeur Merveille aussi passe et demande comment elle va.

Dorothée se réveille donc de son rêve avec un regard plus mature sur les choses. Elle dit avoir compris l’importance de revenir chez Soi, de rester chez Soi. C’était la formule magique pour quitter le rêve « Je reste auprès de ceux que j’aime ».

Sur un plan symbolique, revenir chez Soi, c’est revenir à Soi. C’est donc revenir à ses vraies valeurs et retrouver sa place dans le système. Le rêve lui aura permis de remettre chaque chose à sa place et de grandir sur les problématiques principales liées à son âge et à son caractère : prendre plus le temps de réfléchir, se connecter à son sentiment et à l’amour en soi, faire preuve de courage et ne pas fuir devant l’adversité.

Merci d’avoir regardé lu cet article ! Si mon analyse vous a plu dites moi quel film évoquant le rêve vous souhaiteriez que je choisisse comme nouveau sujet 😉

Faites de beaux rêves et notez les !

Léa Le Gall


Si cet article vous a plu, je vous invite à regarder mes vidéos sur Youtube à propos du rêve et de la psychologie analytique de Carl Gustav Jung

Voir la chaîne YT de Léa Le Gall


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Catégorie(s) : Interprétation des rêves , Non classé , Psychologie jungienne , Rêves célèbres


9 Commentaires:

  • Zoline dit :

    Magnifique cet article !!!
    Quelle idée géniale, hâte de lire la suite de cette série d’articles 😍
    Tu comptes en faire des vidéos aussi?!

  • Réginald dit :

    Merci ,beau cadeau de Noël

  • Tellia Benoît dit :

    Jolie analyse et sacrée interprétation . Merci

  • Tellia Benoît dit :

    Jolie analyse et sacrée interprétation .

  • Christine dit :

    Merci pour cette superbe analyse aussi profonde qu’amusante. C’est exactement ce que j’aime faire avec mes stagiaires en « Contes-Rêves et art thérapie » pour faire toucher du doigt concrètement les concepts jungiens en action dans la vie, les films, l’art en général. Je crois que c’est un grand plaisir aussi bien pour celle/celui qui analyse que pour celles/ceux qui lisent et découvrent. Une manière intéressante de rafraichir la psychologie jungienne et de la rendre accessible. Un grand bravo pour ton initiative !

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